Originaire de LUNEVILLE, Rémy Leclerc installé à Martres-Tolosane dès 1762 est à l'origine d'une brillante dynastie qui s'éteignit au tout début du 20ème siècle. Une telle longévité,140 ans d'activité continue, est remarquable.
Si "les Leclerc" enracinent la grande tradition faïencière martraise, leur déclin marque aussi la fin d'un système de production, celui de la "fabrfique" au sens du 18ème siècle, c'est à dire quand le chef d'entreprise pouvait être à la fois" père-patron" et propriétaire terrien .
Les carreaux de faïence n'étaient pas une exclusivité Leclerc même si ces derniers s'en firent une spécialité ; des fabricants martrais tels que Dignat, puis Ané et Her en produisirent. Néanmoins, aucune de ces productions ne pût jamais rivaliser avec celle "des Leclerc".
On considère que Jean-Pierre Leclerc commença à Martres-Tolosane la production de carreaux dans le premier quart du 19ème siècle. Jean Leclerc, le dernier faïencier de la famille quitta Martres-Tolosane en 1899. On ignore si Charles Ajustron, son associé et parent, continua la fabrication après la faillite de la fabrique Leclerc; la faïencerie fonctionnait encore en 1902.
Les carreaux étaient surtout destinés à orner les dessus d'éviers ; panneaux modestes, assemblages souvent hétéroclites de carreaux de 3ème choix, ensembles fleuris des cuisines de maisons bourgeoises ou de châteaux.On les trouve aussi en intérieurs de cheminées ou de fenêtres, et, ce qui était courant en Comminges, posés au sol, en plinthes, dans les greniers. Les carreaux en biscuits (non émaillés) étaient réemployés fréquemment en maçonnerie.
Il est rare de rencontrer dans notre région la profusion et l'exubérance de certains intérieurs du Nord ou du Pas-de-Calais ; les carreaux de faïence demeuraient ici un produit de luxe.
Un lieu inattendu, "la Maison de Tante Léonie", au Musée Marcel Proust à Illiers-Combray (Eure-et-Loir), conserve un ensemble exceptionnel de carreaux Leclerc ; ils décorent la cuisine, les murs extérieurs et le hammam.
On peut estimer raisonnablement à 300 les modèles produits par la famille Leclerc en plus de 80 ans d'activité. Il est possible de les classer en quelques grandes catégories :
panneaux décoratifs de commande (tableaux figuratifs de dimensions variables : scènes de genre, paysages, etc ; ces tableaux étaient peints sur des carreaux ordinaires ou des bordures émaillées ; ils étaient ensuite assemblés) ;
carreaux au pochoir (géométriques, figurations humaines, animales ou végétales) ;
bordures (généralement destinées à fermer les panneaux de carreaux)
Dimensions habituelles des carreaux :
11/11 cm
13/13 cm
16/16 cm
Dimensions peu courantes :
10/10 cm
20/20 cm
Epaisseurs habituelles :
08/ cm
1/ cm
1.5/ cm
Tampons/estampilles/numérotations :
Généralement les carreaux Leclerc étaient numérotés et estampillés ou tamponnés.
Neuf marques d'identification sont répertoriées à ce jour ; elles correspondent aux époques de fabrication.
Dos
3 types de dos sont connus : lisse, cannelé, à encoches.
Leclerc et ses contemporains
Les "Leclerc" n'eurent pas dans le Sud-ouest de concurrence directe ; on faisait certes des carreaux à Trèbes, à Castelnaudary, à Thiviers et ailleurs, mais ils ne visaient pas le même marché. Les carreaux Leclerc demeuraient un produit de "luxe". La concurrence du Beauvaisis, du Pas-de-Calais, bien que paraissant plus lointaine était bien réelle ; Fourmaintreaux disposait déjà d'un réseau entreprenant et structuré de représentants de commerce, leurs produits étaient moins chers et de bonne qualité ; ils étaient fabriqués en masse.
Les volumes de production de Leclerc n'étaient pas comparables à ceux de fabriques telles que Desvres, Ponchon, Aubagne, pour ne nommer qu'elles, dont certains chiffres donnent le vertige. Leclerc ne put franchir le seuil de la production "industrielle" pour diverses raisons ; on travaillait avec l'esprit et les méthodes du siècle précédent, ce qui avait ses raisons d'être dans un Comminges profondément rural et traditionnel où il fut toujours difficile de dire si l'on s'adressait à des agriculteurs qui faisaient de la faïence ou des faïenciers qui menaient des activités agricoles.
On fabriquait chez Leclerc toutes sortes de faïences, peintes, brunes, jaunes, blanches, platerie et pièces de formes, bénitiers, vierges, etc., et même des copies de" Martres Anciens" ; ce qui n'empêchait ni compétences professionnelles ni ouverture au monde et accès au marché international. En témoignent les exportations vers l'Amérique du Sud et l'Afrique du Nord. On serait surpris par la qualité des ouvrages techniques trouvés dans les bibliothèques des fabricants martrais, manifestement au fait des "textes" fondamentaux ainsi que des avancées technologiques du temps. Il va sans dire que les catalogues Fourmaintraux, Dupressoir, Truptil et autres Ponchons étaient connus à Martres, à moins que ce ne fût l'inverse. Une vingtaine de modèles sont communs à toutes les fabriques françaises.
L'originalité des carreaux Leclerc tient au fond à peu de choses : une puissante polychromie, une qualité de fabrication "artisanale", et surtout une série de motifs floraux particulièrement réussie, de la même main, probablement un peintre de passage, ce qui semblait être la tradition des fabriques d'une certaine importance.
En 1899, Jean Leclerc, le dernier des faïenciers de la dynastie, ruiné, part en Afrique du nord ; ses biens ou ce qui en reste sont vendus aux enchères, "en place publique " à Martres-Tolosane.
Dans son exil, dernière ironie du sort, il trouve à grand peine une modeste chambre à Tunis. Il écrit à sa mère : "la décoration est fort simple les murs étant badigeonnés de chaux à cause des punaises, le plancher est formé de carreaux. Ils viennent de la maison. C'est le n° 47 encadré de vert et bleu. C'est un très bel effet. En le voyant j'ai eu un peu de regret..."
Leclerc n°47
En exposition à la Maison Patrimoniale de Barthète
La collection Leclerc se compose d'un corpus de plus d'un millier de pièces réparties comme suit :
la collection "mère" : 250 carreaux et bordures de tous formats, au pochoir et peints à la main ;
38 panneaux de 16 carreaux ;
80 panneaux de 4 carreaux ;
carreaux commémoratifs, plaques de rues, plaques du jardin des plantes de Toulouse ;
dos, numérotations, pochoirs, carreaux à inscriptions.