La Maison Patrimoniale de Barthète à Boussan (Haute-Garonne), ancien établissement thermal converti en musée
de faïence, a le plaisir d'exposer du 15 juin au 17 août 2008 les "Petites Terres" de l'artiste londonnienne Rosa
Nguyen. Invitée à créer sur place une oeuvre originale, cette artiste céramiste déjà connue pour ses installations
dans plusieurs grandes villes européennes et asiatiques s'est inspirée de la beauté du site et de l'importante
collection de faïence du musée pour intervenir dans quatre espaces distincts du musée sur le thème de l'eau, des
jardins et de la régénération.
Dans l'esprit et la continuité de ses recherches sur les éléments naturels et les formes organiques, l'artiste a
fabriqué une série d'objets hybrides composés de terre cuite (faience) et de terre crue ( cultures de plantes) qu'elle a
organisés et déployés au milieu des carreaux et des pièces de formes des 18ième et 19ième siècles. Autant de
"paysages vivants" miniaturisés, dérivés de la réinterprétation de certaines pièces et motifs de faïence ancienne en
relation avec l'eau, élément fondamental du travail de la terre et de la céramique. Couvercles de pots à graisse,
plats, saladiers ou assiettes détournés de leurs fonctions usuelles, transformés en jardins flottants ou disposés en
mandalas, sont implantés dans le musée comme autant de paysages intérieurs, de microcosmes offerts à la
contemplation. Un univers formel tout en résonnances et correspondances empreint de pensée orientale.
Pour ce faire, l'artiste a travaillé en collaboration avec la faïencerie du Matet à Martres-Tolosane et la Poterie de
Paillas à Montastruc de Salies. Elle a aussi tenu à ensemencer la terre du pays avec des graines du pays, le tout
arrosé d'eau thermale, diverses manières de renouer les fils qui reliaient traditionnellement le fabricant de faïence
en milieu rural à ses activités d'agriculteur. Elle évoque en petits "vases clos" le cycle ancien de la fabrication de
la faïence où la terre retournait à la terre, où les cendres des fours se mélangeaient aux semences, où rien ne se
perdait quand tout se créait.
Posées sur le sol, ces installations se font aussi l' écho des dispositifs de présentation des collections de faïence du
musée qui "affleurent" comme des vestiges archéologiques; mais si elles semblent en épouser délicatement le
déploiement, ce n' est que pour mieux les bousculer. Elles s'infiltrent et s'établissent au milieu des faïences comme
l' eau, les racines, les rhizomes ou les graines qui modifient en permanence l'ordre des choses sur leur passage
même à une échelle microscopique. La germination et la pousse qui sont constituantes de l'oeuvre de Rosa Nguyen
semblent métaphoriquement investies d'un pouvoir de regénération analogue à celui du processus créateur.
Forte de sa pratique de céramiste, de ses constantes expérimentations multidisciplinaires et de ses intérêts pour la
philosophie et les traditions orientales, Rosa Nguyen, comme tout créateur, abolit les frontières entre des
catégories apparemment antagonistes. Elle crée des passerelles entre l' art et la nature, les arts appliqués et l' art
contemporain, à un nouveau moment critique de l'histoire de la céramique qui ne demande qu'a être regénérée de
l'intérieur.
Née en 1960 à Londres d' un père vietnamien et d' une mère française, Rosa Nguyen a reçu une éducation à l'
occidentale. Sa curiosité naturelle l' a menée sur différents continents et notamment en Asie où elle confirme sa
sensibilité pour les philosophies, la culture et les traditions orientales. Elle a déjà exposé dans plusieurs grandes
villes internationales dont Londres, Paris, Amsterdam, Bruxelles, Tokyo et Shanghai. Récipiendaire de plusieurs
prix et bourses, elle a obtenu diverses commandes publiques. On retrouve aujourd' hui ses oeuvres dans de
nombreuses collections muséales et privées. Elle enseigne au département de céramique au Camberwell Collège of
Arts de Londres.
Le faïencier, l'ordinateur et les brodeuses (2008) Artistes invitées
Les fameux carreaux Leclerc revisités par les brodeuses de Boussan
La rencontre de deux passions, celles de la faïence et de la broderie, vient de donner le jour à une
exposition pour le moins inattendue. A l'origine du projet, “un choc visuel” selon les dires de son auteur,
Françoise Sicre, boussanaise d'adoption et passionnée de broderie depuis toujours.
En 2006, devant un étal de carreaux de faïence martrais présenté par l' Association de la Maison
Patrimoniale de Barthète sur le vide-grenier d'Aurignac, elle éprouve “un vrai coup de foudre” pour ces
motifs du 19ème siècle, peints au pochoir.Un mois plus tard, la découverte de la riche collection de
carreaux du musée de Barthète sera suivie cette fois d'un “coup de folie”: le désir de les reproduire au
point de croix. L'idée a germé jusqu'à en devenir une obsession; une vision globale de l'exposition sur les
murs de Barthète s'est vite imposée à elle comme allant de soi. Confortée par l'accueil enthousiaste de
Suzanne et Claude Légé, les conservateurs du musée qui deviennent partie prenante du projet, elle se lance
sans hésiter dans l'aventure.
L'invitation est aussitôt adressée aux “brodeuses” et autres dames de Boussan qui acceptent de relever le
défi et d' exposer au musée à l'été 2008. L'atelier de broderie qui existait déjà mais sans projet commun
s'est agrandi par le biais du bouche-à-oreilles et tout s'est mis en place assez rapidement.
Encore fallait-il créer les diagrammes des motifs de carreaux. La mise en oeuvre fut assurée par Jacques et
Séverine Sicre . En dépit de nombreuses difficultés conjuguées ( dûes entres autres à la transposition des
motifs sur une toile à broder, à la technique du point de croix et à la méthode de création des modèles par
ordinateur), ils ont “dessiné” 88 modèles de carreaux isolés ou groupés par quatre. Ils ont essayé de
casser la rigueur de la géométrie des motifs pour les rendre plus vivants en respectant même à l'occasion les
ratés et défauts de cuisson des carreaux originaux.
La maîtrise du travail de broderie s'est concrétisée au fur et à mesure de la réalisation de motifs de plus en
plus complexes. Les brodeuses se sont piquées au jeu, ont osé des motifs de plus en plus difficiles, en toute
liberté selon leur attrait pour les formes (géométriques, florales, emblématiques, ou autres ) et les couleurs
chatoyantes des anciens carreaux martrais.
Cette exposition collective a réuni 12 brodeuses et a nécessité plus de 10,000 heures de travail (8500 heures
de broderie, 255 heures de création de diagrammes et 30 heures de mise en formes et finition) sur une
période d'un peu plus d'un an.
En entrant au musée, leurs carreaux redonnent ses lettres de noblesse au travail à l'aiguille, un geste aussi
ancien et respectable que ceux du potier. Grâce à la broderie, une activité trop souvent considérée comme
un simple passe-temps dévolu aux femmes dans l'ombre de leur “foyer”, les brodeuses de Boussan
participent à la connaissance et la sauvegarde d'un patrimoine régional quasiment disparu, en phase avec
un des objectifs du musée. Elles font revivre des motifs qui ont orné les potagers et cuisines de nombreuses
fermes et maisons du pays depuis plus de 150 ans, leur donnent une nouvelle vie et nous les font voir d'une
manière totalement inédite.
Des broderies magnifiques qui viennent enrichir les collections permanentes : un honneur pour le musée.